Le 28 mars 2018,
Ma chère Félicie,
Ce n'est pas facile de t'écrire ce soir, ça l'est d'autant moins que tu es partie, partie rejoindre le paradis des chats comme ta maman me l'a écrit cet après-midi. Depuis, je pleure sans pouvoir me retenir, je pleure nos belles années, je pleure nos jeux, je pleure ton regard si doux et à la fois impénétrable posé sur moi quand tu me regardais faire le zouave pour t'embêter.
Tu le sais, on se l'est dit : je suis ton Papa et ce soir, ton Papa est inconsolable. Tu es plus qu'un chat que j'ai eu dans mes mains alors que tu venais tout juste d'avoir deux mois, toute frêle mais déjà blanche et noire. C'est pour cela que je t'ai appelée ainsi : tu ressemblais à Félix mais comme tu étais une demoiselle, j'ai trouvé que Félicie t'allait bien.Tu es un peu celle que rien ne remplacera jamais, d'ailleurs je n'ai jamais voulu le faire, cédant inéluctablement à l'émotion et aux larmes quand je pensais à toi.
Et pourtant, je suis parti ... ton Papa a fait des choix qui imposaient de prendre de la distance. Peut-être as-tu pu penser que je t'abandonnais ? Comme nous nous l'étions promis en septembre 2009, il n'en était rien. Tu ne le sais peut-être pas mais les lignes écrites à l'occasion de cet "au revoir" sont certainement les plus difficiles à relire pour moi.
Ce soir, le ciel n'était pas noir, ni blanc ... ce soir, en pensant très fort à toi et à la dévastation que pouvait ressentir ta maman, je ne voyais que du bleu, celui de l'horizon et des perspectives lointaines. J'aurais aimé continuer à te voir tous les jours, me fâcher contre toi quand tu faisais des bêtises pour qu'on s'intéresse à toi. J'autais aimé continuer à collectionner les photos de tes malicieuses pitreries, quand tu essayais de m'impressionner en faisant ta grosse queue ou en feignant de me contourner pour mieux m'assaillir. J'aurais aimé que tu dormisses encore sur moi ou entre mes jambes comme tu adorais te lover sur ton Papa ...la vie en a décidé autrement et je ne l'ai pas contrariée sachant très bien que ta maman saurait s'occuper de toi au mieux. Je n'ai aucun doute là dessus : tu as eu une vie de princesse et tu as certainement réussi à la faire tourner en bourrique jusqu'au bout.
J'ai regardé les photos et les films que j'ai de toi, quand tu joues avec ta queue, quand tu venais devant mon écran pour m'empêcher de faire autre chose que de m'occuper de toi, quand tu me tétais le lobe de l'oreille frénétiquement, quand nous jouions ensemble, quand tu rodais dans la cuisine pour profiter de quelques crevettes gagnées en faisant une comédie honteuse avec tes yeux malins ... j'ai revu tout cela et, outre la peine qui s'en est suivie, je me suis dit qu'il m'était impossible de te dire adieu ce soir. C'est finalement là la cruelle ironie de la chose : moi je n'ai dit au revoir en 2009 et toi, tu me rends la monnaie de ma pièce presque neuf ans plus tard.
"Il faut que tu gardes les plus beaux souvenirs que tu as eu avec elle" m'a dit Zolimari, pour tenter d'apaiser ma douleur et conjurer l'impuissance qui était la sienne devant mon effondrement. Assurément, il y en eut et parce que je ne peux me résoudre à te voir rejoindre la cohorte des compagnons à quatre pattes qui sont déjà partis, je me suis dit qu'il n'y avait que cela pour soulager ma peine. Le temps fera son oeuvre mais je ne t'oublierai pas.
Je suis allé m’installer sur le canapé, comme avant. J’ai joint mes genoux, Félicie est venue sur son papa et s’est lovée dans mes mains qui l’encercleront toujours avec le plus pur amour. Les larmes me sont évidemment venues. Je me suis demandé pourquoi faire tant de mal à Félicie, où j’arrivais à trouver la force de mon égoïsme pour ne pas voir le mal que je faisais … Passées ces douloureuses secondes, j’ai entamé le dialogue avec ma Félicie, qui m’a regardé … comme si elle attendait ce que j’avais à lui dire.
Je lui ai dit que le mieux pour elle était de ne plus croiser son papa si irritable ces derniers temps, qu’il m’était impossible de continuer comme avant, que je ne cesserai jamais de l’aimer, que j’étais très fier d’elle et qu’il fallait qu’elle soit gentille avec ma maman qui avait besoin d’elle. A chaque caresse, j’ai ressenti tout le poids de ma responsabilité dans ce que je lui infligeais. A chaque instant, j’ai savouré la présence de cet animal qui représente tellement pour moi. J’ai lu dans ses yeux un peu d’apaisement, mon dernier cadeau …
Félicie a tendu sa patte vers moi qui suintait des larmes qui coulaient sur mon visage, comme pour me dire que tout cela était dur mais pas si grave, que je resterai toujours celui qu’elle aime. Tu le sais, la fidélité d’un animal de compagnie pour son maître est quelque chose que je trouve boulversantissime …
Et puis, j’ai fait une dernière fois le tour de cet appartement avec Félicie, qui finalement m’a accompagné pour que je dise au revoir à ces murs, que je m’effondre devant le lit dans lequel j'ai choisi de n’avoir plus ma place, dans cette salle de bain où nous en avons fait des bêtises, dans cette cuisine, etc …
C’est finalement avec Félicie que j’ai dit adieu à tout cela, c’est avec mon chat adoré que j’ai refermé le livre, c’est avec sa patte que j’ai délié les liens qui retenaient encore le rideau qui devait à présent tomber.
Adieu à tout cela, mais simplement au revoir ma Félicie … Ton papa sera plus loin mais toujours tu reconnaîtras son regard tendre et affectueux transpirant de tout l’amour qu’il te donnera. Sois assurée d’avoir la même place dans son cœur parce que ton papa n’a qu’une parole et ce midi là, il t’a fait une promesse que tu as entendue.
Voilà Félicie. Ton Papa va garder de toi l'image d'un chaton si mignon et si beau. Ta maman m'a assuré que tu n'avais pas souffert, c'est primordial à mes yeux. Tu sais ce que l'on dit, la vie continue mais l'essentiel c'est le souvenir, ce sont les souvenirs, ce seront toujours nos souvenirs. Tu as marqué ma vie et c'est en pensant très fort à toi ce soir que je m'endormirai parce que je n'ai qu'une parole ma si jolie Félicie.
Ton Papa qui t'aimera toujours
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