Lorsque j'ai entendu qu'un groupe d'activistes du Printemps Français [mouvance d'extrême droite tout à fait classique dans son genre] s'en était pris à l'oeuvre de Paul McCarthy Place Vendome, j'ai forcément pensé qu'un pays dans lequel une oeuvre est saccagée pour elle-même et les valeurs qu'elle cristalise est un pays qui décidément va très mal.
Qu'on aime ou pas, qu'on trouve cela déplacé ou que l'on soit indifférent, c'est l'affaire de chacun mais que l'on décide de priver l'espace public d'une oeuvre relève du fascine ordinaire et de la tyrannie la plus banale.
Alors oui, cette sculpture gonflée d'air ressemble à un plug anal, oui c'est un sex-toy, oui cela tranche avec la noblesse des lieux, oui on peut considérer que l'art contemporain c'est du grand n'importe quoi ... oui oui, mais voilà, cela reste une oeuvre et à ce titre, elle mérite le respect conféré à son rang. Quiconque vient extrapoler sur :
- la démarche licencieuse de l'artiste,
- la dépravation du pouvoir en place,
- le libertinage du gouvernement qui s'exprimerait par ce moyen,
- les goûts lamentables de la Mairie de Paris incarnée par Anne Hidalgo,
- ou que sais-je encore,
relève de la psychiatrie la plus urgente parce que cela revient à faire dire à une oeuvre ce qu'elle n'est absolument pas. Mais il y a tellement de gens soi-disant en colère qui croient possible de dire tout et n'importe quoi pour tenter d'exister et faire valoir leur petite opinion, quitte à franchir aussi régulièrement les limites du ridicule et de l'abjection comme ces pourfendeurs systématiques qui donnent des leçons que rien à part une démocratie indulgente et une liberté d'expression trop généreuse ne les autorise à donner. Depuis le temps que je pense que cette période est trop excessive dans la liberté d'expression, je suis désormais certain que le retour de balancier sera terrible.
Paul McCarthy a expliqué que cette sculpture était certes un plug anal [qui a donc vocation à s'enfoncer dans l'orifice du même nom afin de procurer un plaisir anal à celui qui procède ainsi] mais qu'il fallait aussi la voir comme un arbre de Noël, expliquant ainsi la couleur verte, à raison de la comparaison géométrique que l'artiste a réalisé il y a plusieurs années. Le symbole anal est évidemment de nature à déranger les consciences judéo-chrétiennes pour lesquelles, culturellement, le plaisir anal demeure un tabou que le porno a permis d'exprimer mais qu'il a, de fait, contingenté.
Moi ... je dois te le dire, j'étais content qu'il y ait un gros butt-plug érigé sur la so-chic Place Vendome. Oui content ... parce que la forme est jolie et qu'elle me plaît, parce que je trouvais que cela donnait un peu d'air aux rues de Paris qui ont trop tendance à ressembler à des musées, parce que ça diffusait un peu d'art contemporain aux yeux de tous ce qui ne fait jamais de mal, parce que ça me rappelait les sculptures de Jeff Kunz au Château de Versailles [étant précisé que je ne les ai pas toutes aimées mais certaines oui], parce que la connotation sexuelle de l'oeuvre n'est pas pour me déplaire, parce que je trouvais que c'était aussi surprenant que ce que je trouve parfois dans les rues de Londres que l'on trouve toujours si branchée [d'ailleurs, si le plug avait été posé à Londres, on n'en aurait pas fait une telle affaire] ...
C'est dire si j'ai été accablé lorsque j'ai appris qu'il avait été porté atteinte à cette oeuvre temporaire. C'est dire aussi si je vois qu'il est assez prioritaire d'écrire ces lignes au sortir de ma semaine musicale, et de trouver une réplique de cet objet [oui parce que je le sais qu'il en existe !!!] comme le témoignage de ce que des esprits fascisants ont tenté de détruire. Surtout ... je rapproche ce vandalisme d'autre chose : la condamnation de l'exposition du Zizi Sexuel à la Villette.
Alors qu'il y a sept ans personne ne s'était offusqué, les obscurantistes ont trouvé là leur nouveau jouet pour dégueuler leurs incantations de perversion de la société qui banaliserait le sexe auprès des innocentes têtes blondes qui sont forcément des petits anges [évitons de leur rappeler que l'age moyen auquel les garçons regardent un porno est de 12 ans ... c'est dire si certains sont davantage précoces]. Oui, parler de sexe, montrer au moyen des dessins de Zep, expliquer et vulgariser pour éviter d'en faire des traumatisés de la braguette et des frustrés ... c'est tellement mal qu'il faut bien se mobiliser pour foutre en l'air tout ça. La Manif pour tous cherchait une nouvelle excuse pour répandre sa parole nauséabonde dans les rues ? Ludovine de la Rochère va pouvoir s'en donner à coeur joie, ça lui évitera d'aller fricoter avec des nazis d'Europe de l'Est.
Je ne crois pas trop aux coïncidences et je vois dans l'affaire du Tree de Paul McCarthy et du Zizi Sexuel le symptôme de ce que le discours sur les moeurs [par expo ou oeuvre interposée] subit une rétractation au moins équivalente à celle d'une bonne grosse bite qui aurait répandu tout le sperme qu'elle pouvait. J'espère, pour filer la métaphore, qu'elle ne tardera pas trop à rebander et, pour l'y aider je rappelle qu'un plug vert peut faire l'affaire.
Tto, sexuellement libéré