Il ne fallait pas plus de plusieurs semaines éprouvantes, d'une nuit cataclysmique, d'une réponse trop abrupte, d'une fatigue persistante, une soirée où j'éai été fantomatique, des textos rassurants sans l'être totalement et aussi d'un bras de fer stérile qui ne mène à rien pour que je m'écroulasse, violemment et totalement. C'est toujours comme cela ... on s'imagine que je suis en titane alors que le vinaigre altère aussi le calcaire qui me compose.
Sous ma douche, en rentrant, j'ai senti que cela montait. Tu sens toujours cette irrépressible lame de fond qui balaye tout sur son passage. J'ai tout fait pour l'étouffer [comme je sais si bien faire], pour la contenir et la dompter sauf que non ... je n'y suis pas parvenu et toutes les idées noires qui déjà dansaient furieusement la samba sur moi ont vu là l'occasion de me terrasser de plus belle.
Alors oui, j'ai laissé couler noyant mon chagrin dans l'eau qui coulait sur mon corps sclérosé et qui se recroquevillait chaque seconde davantage. Je crois à la force expiatoire des pleurs mais là, non ... ça ne faisait qu'empirer, redoubler, balayer tout sur son passage. Après quelques minutes, j'ai tenté maladroitement de disposer d'une contenance pour m'enfouir dans mon lit. Je ne suis pas parvenu à y entrer, restant sur le pas de celui-ci, contraint de céder face au vacarme intérieur, obligé d'abdiquer dans le pauvre kleenex qui servait de réceptacle au déluge lacrymal. C'est alors qu'il a compris ...
Il m'a ramassé, m'a confié son impuissance et son incompréhension tant il avait essayé, m'a indiqué que je ne suis pas franchement lisible parfois et que j'ai vraiment cette propension à laisser les choses s'envenimer à l'extrême alors qu'en fait objectivement, il n'y a pas grand chose. Mais voilà ...
Ces mots bienveillants accompagnés de caresses chaleureuses sur mon corps tétanisé ont agi comme une nouvelle vanne qui fit d'abord redoubler les sanglots. Bah oui, face à la désorientation qui était la mienne et la détresse que je ressentais, cette main tendue et posée sur moi n'a fait qu'amplifier la déferlante parce que je l'attendais sans parvenir à faire en sorte qu'elle n'arrive autrement. C'est dommage mais probablement un mal pour un bien.
Nous avons ensuite évoqué tout ce qui me tourmentait, toute cette accumulation des dernières semaines où j'encaissais sans parvenir à véritablement me donner le sentiment de dominer le sujet. Je ne faisais que sauver les apparences, répondre de plus en plus automatiquement et machinalement aux agressions, trouver des solutions impossibles à des questions insurmontables ... Quand il m'a demandé ce qu'il y avait et pourquoi j'étais si silencieux depuis le matin, j'ai répondu "je n'y arrive plus, je suis perdu". Parce qu'en réalité, oui ... j'étais épuisé de moi, épuisé de me battre, épuisé de chercher un chemin, épuisé de tout.
Il m'a donné son point de vue, j'ai exprimé le mien ... j'ai rappelé ce qui me frustre, cette solitude qui parfois me pèse, cette impression d'être en attente qui me bouffe de l'intérieur. Et lui m'a expliqué son point de vue, sans disqualifier le mien mais en me faisant comprendre qu'il ne faut pas que j'exige qu'il change du tout au tout. Il a convenu quelques maladresses et que certains efforts devaient être entrepris de part et d'autre.
Après quelques longues minutes d'explication où je fixais obstinément le sol en usant mes yeux à jouer au microscope avec cette charnière dont je voulais voir tous les détails comme pour dissiper mon esprit qui envisageait tout et pesait tous les rares mots que je prononçais, j'ai posé ma tête sur son épaule.
Je me suis couché, il m'a rejoint assez rapidement, il m'a enveloppé comme pour me réchauffer et conjurer ces douleurs insupportables qui m'assaillent depuis plusieurs mois. Ses lèvres se sont posées sur moi plusieurs fois ...
J'ai repensé à ce que mon frère m'avait écrit dans la journée : "Pose toi des questions différemment même si t'en as marre parce qu'il en vaut la chandelle ! T'es perdu mais tu veux gérer plein (trop) de problèmes en même temps ... c'est logique ! Objectif 1, hiérarchiser tes priorités. Objectif 2 tenter de trouver un remède en se méfiant des prises de positions habituelles et en interrogeant longtemps sa position. Objectif 3, se détendre et purger sa tête en prenant le bonheur là où il y en a, les tracas seront toujours là mais ta perspective sera différente et ta réponse peut-être aussi. Objectif 4, voir des gens et/ou parler, voire faire la fête. Objectif 5, dormir ou au moins te reposer".
Mes larmes avaient séchées ...
Tto, un peu perdu mais fallait que ça sorte