Que tu consommes du porno de labels comme "Bel-Ami" ou autres studios qui adorent voir s'enfiler les éphèbes vaguement imberbes ou que tu aies vu le dernier "Call me by your name" ou autres films sensiblement gays, c'est toujours la même histoire : la twink est au centre de tout.
On aime ou pas, mais le twink, figure imposée de l'homo-érotisme depuis "Mort à Venise", est central au point qu'on n'en peut plus du twink. Pourtant, et c'est ce qui a mis le feu aux poudres, l'age d'or du twink ne serait pas achevé selon le New-York Times.
Comme l'aurais dit Jean-Luc [ah Jean-Luc et les twinks ... bref !], ça se discute. Ca se discoute d'autant plus que la mode du twink fut furieuse il y a quelques années et j'envisage, à la lumière de la connaissance [modeste] de qui défonce en ce moment qu'on est desormais sur la pente glissante. C'est d'ailleurs assez normal : sociologiquement, les twinks d'il y a 10 ou 15 ans, sont maintenant des quadargénaires et en vieillissant, leurs goûts suivent une évolution faite de poils, de bears et de physiques plus musculeux. En tout cas, on s'approche davantage du déménageur que du garçon coiffeur à qui l'on demande s'il ne veut pas qu'on s'occupe de sa raie.
Beaucoup de studios [parlons de labels, c'est plus exact] se sont jadis spécialisés dans le twink. Ah oui ... définissons d'ailleurs ce qu'est le twink histoire de se mettre d'accord une bonne fois pour toutes : litterralement, le twink c'est un minet. Donc, on parle bien du jeune homme au ventre si plat qu'une planche parait bombée, imberbe forcément et au physique de jeune premier ... le modèle 18 ans tout frais sorti de sa chambre d'adolescent dans laquelle Papa et Maman l'avait laissé en jachère pour mieux le préparer au déluge sexuel courronnant son arrivée dans l'age adulte. L'origine du terme est contestée, certains pensant que tout vient du mot "twank" de l'argot britannique des années 20 pour désigner un client de prostituées homosexuelles, tandis que d'autres insistent sur le fait qu'il s'agit d'une référence aux gâteaux Hostess pour jeunes gans, attrayants , hommes glabres et minces tels que la publicité d'époque les présentait. Ajoute à cela le fameux "twunk" fait pour désigner un porte-manteau avec gros morceau, incarné par Zac Efron par exemple [pas encore un hunk mais plus vraiment un twink].
Souvent passif [oui ça aussi faudra qu'on en reparle mais la figure imposée c'est que le twink est passif parce que le chétif est passif], il est toujours assez blond chez Bel-Ami. Chez les français qui adorent les twinks depuis Cadinot qui les a érigés en quasi muses ou que PinkX s'est piquée de se lancer dans la production pronographique, on s'en est fait une spécialité d'où l'émergence du label French Twinks.
Créé en 2013, French Twinks recrute sur les sites de rencontres d'abord puis clame recevoir des candidatures par paquets. Les modèles sont fraichement majeurs [le plus tôt possible après leur majorité fait grimper sur le modèle et les enchères], ils adorent tout faire jusqu'à s'essayer systématiquement à la DP [double pénétration] même s'ils n'ont jamais essayé par ailleurs. Du coup, ça ne marche pas toujours ! Fist et orgies, bareback de rigueur, uro et autres joyeusetés du genre, tout est bon pour souiller le corps encore vaguement innocent de ceux qui avouent s'ennuyer chez eux [souvent dans le Nord de la France] confie le niçois qui créa le label. Il recrute ainsi des chômeurs et jeunes hommes un peu désemparés par les choix de vie et qui préfèrent avoir le choix du vit, pour se faire du liquide facile. Oui mais ça, c'était avant et surtout, avant l'explosion des réseaux sociaux qui recyclent les prestations pornos de tout un chacun. Véritable uberisation du porno qui annonce la mort des lables dans cinq ans à peu près, tout Twitter, Snapchat et autres Télégram fourmillent de profils où l'on expose ses exploits, on se filme à grand renfort de râles et autres scènes de sexe prises sans délicatesses autres que le cadrage pourtant vaguement approximatif. Et forcément, la normalisation du twink comme figure érotique en prend un coup quand n'importe qui peut montrer qu'il défonce le voisin de pallier, lequel n'a pas franchement le look du twink.
La descente aux enfers est programmée pour le twink, au delà du fait qu'il a pris quelques années dans la tête. On trouvera toujours des idolâtres des éphèbes de 18 ans, des planches à pain et autres archétypes du minet mais le twink n'est plus très loin des doigts qu'on lui enfonce, des deux doigts de la fin qui ne justifie plus d'y mettre les moyens. Devenu un segment porno gay, le twink est relégué au même rang que les baises ethniques, les daddys et autres figures gonzo qui fleurissent sur les sites de vidéos spécialisées. Pire, pour l'exportation, le twink a toujours subi la concurrence des gay for pay de l'Europe de l'est et ils sont trop barraqués pour le marché japonnais qui les aime encore plus twinks que les twinks. Décidement, ça va mal.
Sauf que "Call me by your name" a réhabilité le twink avec la fureur new-yorkaise de la fashionista érigée comme la tendance mondiale qui fait passer Saint Germain des Prés pour une réunion de stylistes de chez C&A. Oliver, en sueur jouant au volley-ball, fait une courte pause pour voler un verre à Elio, joué par Timothée Chalamet . Sentant la nervosité d'Elio, Oliver commence à masser son épaule ... La scène sera mémorable, pas seulement parce que deux acteurs interprétent un pas de deux animé par un désir gay mis en sourdine, mais plutôt parce que l'on revient avec la rapidité du boomerang dans le schéma d'antan qui permit aux twinks de prendre leur essort. Elio est le minet ultime !
Sauf qu'avec lui, on revient au twink - pas mal hétéro - tendance "twink de l'art", construits sur un héritage esthétique établi par les photographies de Ryan McGinley du dernier millénaire, ou des modèles Saint Laurent choisis par le designer Hedi Slimane. Le twink nouveau n'est plus le twink d'avant ... Tye Sheridan, 21 ans dans "Ready Player One" [à gauche et aussi à droite] ou encore Lucas Hedges comme Nick Robinson vu dans "Dunkerque" sont les nouveaux twinks dont Hollywood raffole.
Historiquement, les musiciens ont été moins accablés par les stéréotypes de la masculinité et l'inévitable dérive twink dans laquelle se vautrent les acteurs hollywoodiens. Freddie Mercury ou Adam Lambert sont souvent perçus comme une caricature glam-rock. Aujourd'hui, en dehors des boys bands ou autres figures de la K-Pop, les minets gays comme Olly Alexander du groupe Years & Years et Troye Sivan n'appuient pas à fond sur la pédale. Cependant, ce dernier a participé à quelques défilés qui ne laissent pas beaucoup d'ambiguités quant à son statut de twink et collabore avec plusieurs agences de mannequins, dont la société allemande Tomorrow Is Another Day [qui m'a permis de faire la vignette de ce billet], se spécialisant désormais dans les twinks.
L'exposition des corps de femmes a fait l'objet d'une sur-exploitation déjà largement dénoncée. Le grand retour [selon moi, fugace] des twinks ouvre le champ aux mêmes perspectives, déjà éprouvées mais dont on semblait s'éloigner à mesure que les poils, les formes et autres éléments d'une masculinité ostentatoire s'affichaient. Les alternatives à l'idéal de la physicalité imposante vont-elles encore être ignorées ou perverties? L'héritage de la masculinité toxique qui encombre les femmes et beaucoup d'hommes semble ne pas empêcher un changement très culturel dont les twinks sont l'illustration : au delà de l'image de garçons maigres ou correspondant au dernier fantasme gay irréaliste, seraient-ils finalement l'image de la nouvelle masculinité des années 2020 comme ils ont tenté d'être celle des années 2000 ? On leur souhaite le même succès ...
Tto, pas twink du tout